mardi 9 juin 2009

déménagement

Quelques jours sans nouvelles, le temps de finaliser le site (il y a peut être encore de petites erreurs, mais ça va être corrigé peu à peu). Et puis j'ai remis mon roman à mon éditrice, elle m'a appelé quatre jours plus tard : tout va bien elle l'aime (non, tout ne va pas exactement bien, elle m'a fait des remarques très justes, j'ai encore un peu de travail). Après un an passé à écrire un roman, on peut douter que cela puisse avoir du sens pour les autres. Je suis rassuré.

Le blog déménage là :


Il pleut, alors tout va bien.


Martin Page


jeudi 28 mai 2009

Massacre au crayon

Ok c'est un titre moins accrocheur que Massacre à la tronçonneuse, mais c'est aussi assez sanglant. C'est un peu mon quotidien depuis quelques jours.
On a passé des mois à écrire un roman. On l'a corrigé, relu, corrigé, relu, laissé reposer. Puis vient le moment où on a promis de le rendre à son éditrice. Alors on relit le roman de la première à la dernière page. On ajoute certes, on continue à corriger, mais surtout on supprime. On coupe des phrases (je dis phrases, mais ça peut être des passages entiers) pas terribles, des phrases qui paraissaient tellement bien. Et qui ne le sont pas (la perte de lucidité est inévitable en cours d'écriture, par période, et heureusement cela permet d'essayer des choses, de tenter, d'avancer, de ne pas se laisser arrêter). Ou, et là c'est terrible, des phrases qui sont bien mais qui ne s'intègrent pas au chapitre, au paragraphe. Il faut enlever. Et ce n'est pas triste parce que c'est au bénéfice de la forme de roman.
C'est un point de vue personnel : si on a un doute, c'est souvent une bonne chose de couper. Parfois c'est douloureux. Alors on réécrit, on plâtre, on cimente, ça peut marcher, mais pas toujours. Alors, on raye, on coupe.
Don't blame me, par le saxophoniste et flûtiste Yousef Lateef (qui n'est pas pianiste comme je l'ai écrit un peu plus tôt -avant l'intervention de Sad Old Punk).


Martin Page

Kinks et Beatles

Allez une petite récréation.
Les commentaires de Ray Davies (Kinks) sur le nouvel album des Beatles, Revolver. C'est paru dans Disc and Music Echo Magazine en août 1967. C'est drôle, pertinent, et puis ça change un peu de l'idéalisation à l'égard des Beatles.

Taxman - "It sounds like a cross between the Who and Batman. It's a bit limited, but the Beatles get over this by the sexy double-tracking. It's surprising how sexy double-tracking makes a voice sound."
Eleanor Rigby - "I bought a Haydn LP the other day and this sounds just like it. It's all sort of quartet stuff and it sounds like they're out to please music teachers in primary schools. I can imagine John saying: 'I'm going to write this for my old schoolmistress'. Still it's very commercial."
I'm Only Sleeping - "It's a most beautiful song, much prettier than 'Eleanor Rigby'. A jolly old thing, really, and definitely the best track on the album.
Love You Too - "George wrote this - he must have quite a big influence on the group now. This sort of song I was doing two years ago - now I'm doing what the Beatles were doing two years ago. It's not a bad song - it's well performed which is always true of a Beatles track."
Here There and Everywhere - "This proves that the Beatles have got good memories, because there are a lot of busy chords in it. It's nice - like one instrument with the voice and the guitar merging. Third best track on the album."
Yellow Submarine - "This is a load of rubbish, really. I take the mickey out of myself on the piano and play stuff like this. I think they know it's not that good."
She Said She Said - "This song is in to restore confidence in old Beatles sound. That's all."
Good Day Sunshine - "This'll be a giant. It doesn't force itself on you, but it stands out like 'I'm Only Sleeping'. This is back to the real old Beatles. I just don't like the electronic stuff. The Beatles were supposed to be like the boy next door only better."
And Your Bird Can Sing - "Don't like this. The song's too predictable. It's not a Beatles song at all."
Dr. Robert - "It's good - there's a 12-bar beat and bits in it that are clever. Not my sort of thing, though."
I Want To Tell You - "This helps the LP through though it's not up to the Beatles standard."
Got To Get You Into My Life - "Jazz backing - and it just goes to prove that Britain's jazz musicians can't swing. Paul's sings better jazz than the musicians are playing which makes nonsense of people saying jazz and pop are very different. Paul sounds like Little Richard. Really, it's the most vintage Beatles track on the LP."
Tomorrow Never Knows - "Listen to all those crazy sounds! It'll be popular in discotheques. I can imagine they had George Martin tied to a totem pole when they did this."
Conclusion de Ray Davies :
"This is the first Beatles LP I've really listened to in it's entirety but I must say there are better songs on 'Rubber Soul'. Still, 'I'm Only Sleeping' is a standout. 'Good Day Sunshine is second best and I also like 'Here, There and Everywhere.' But I don't want to be harsh about the others. The balance and recording technique are as good as ever."

Vous aurez remarqué qu'il ne parle pas de For no one (pour moi la meilleur chanson de l'album, et peut-être même de toute l'oeuvre des Beatles). Je suis d'accord sur Yellow Submarine et Eleanor Rigby. Ah ah.
Flûte mes brocolis sont froids.
Ces jours-ci je vais commencer à lire Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir.
Tiens G. (photographe de l'agence photo voisine), vient d'entrer avec son bébé. Elle pleure.
J'ai encore fait des corrections sur mon texte sur Carnac pour le centre des musées nationaux qui va éditer un livre sur 100 monuments. Mon texte était trop long, dixit le responsable, j'en ai donc profité pour lisser et couper des choses pas nécessaires.
Il n'y a plus rien à manger ici. Je vais devoir faire des courses alors que je n'ai pas envie de sortir, la lumière est aveuglante aujourd'hui.
Parmi les nouvelles concernant le travail, Armand, l'éditeur des éditions Intervalles a été renversé par une voiture. Il a une fracture du tibia, j'ai eu des nouvelles ce matin, ça va mais il ne doit pas poser le pied pendant 45 jours.
Stéphane part faire de la voile aujourd'hui, dans le raz de Sein. Quel aventurier.
J'ai reçu le premier livre des éditions Rue Fromentin et il est beau. La préface a l'air bien (mais je suis un peu de parti pris, parce que l'auteur, N. U., a écrit un petit article sur le livre des préfaces, alors...).
J'ai bien envie de lire La Vie Solitaire de Pétrarque. De relire Walden, et en fait de partir un peu à la campagne. Et je cherche un roman à lire. Je ne lis pas de roman pendant l'écriture de mes livres, ou alors par bouchées.
Je retourne travailler.


Martin Page

dimanche 24 mai 2009

Finlande

Mes traducteurs finlandais (un couple) sont à Paris pour quelques jours. Ils sont adorables. Nous nous connaissons depuis des années. Je suis allé en Finlande il y a cinq ou six ans et je rêve d'y retourner (mais l'avion, tant qu'il ne glissera pas sur des rails, est un problème). Ils m'avaient offert une tasse avec les Moomins dessus, ces drôles de personnages inventés par Tove Jansson. C'est ma tasse favorite, un instrument de travail. Publier des romans est une manière de créer des liens avec des gens que je n'aurais pas osé aborder, que je n'aurais pas rencontré. Nous sommes allés au théâtre (voir une adaptation de deux films de Depardon), le lendemain nous avons bu un thé à l'atelier et ils m'ont offert une gigantesque tablette de chocolat.
A la grande épicerie du Bon Marché, j'ai trouvé des saucisses en bocal. C'est une invention américaine. Sur l'étiquette, il y a écrit "sans noyaux". C'est drôle et tout de même un peu inquiétant J'ai acheté de la limonade au coquelicot.
Encore pas mal de corrections dans mon roman aujourd'hui. Des ajouts, des précisions. J'aime ces moments là, quand des détails changent beaucoup de choses. On travaille une matière, tout devient plus précis, plus juste, plus vivant.
Vendredi, avec une amie nous sommes allés au bois de Boulogne et nous avons fait de la barque. C'était toute une aventure. Belle journée. Je me rentre dans le crâne qu'une journée sans écrire n'est pas une journée perdue. Avoir des enfants doit être bien pour ça. Ils donnent un rythme aux journées, ils veulent partir en vacances, on joue avec eux. J'en ai parlé avec Ville et Anu (mes traducteurs) et avec Marc Molk. J'aime bien parler travail, et organisation avec des collègues.


Martin Page

lundi 18 mai 2009

Roman terminé, à finir

Mon roman est écrit. Depuis je me suis aperçu que la toute nouvelle fin n'allait pas, et qu'une autre serait meilleure. Je crois qu'il me faut passer par des moments (chapitres, épisodes, fins) temporaires (que je crois permanents dans mon enthousiasme) pour arriver à trouver ce que je désire vraiment. Ce n'est pas une règle, ça arrive forcément. Ainsi pendant l'écriture de ce roman, il y aura eu des effondrements, mais des effondrements positifs, qui au final, comme des mues, révèlent la forme adéquate.
Dans la création, il y a beaucoup de destruction. De mots, de phrases, de personnages, de chapitres entiers que je détruits pour arriver au roman qui me satisfera. Le lecteur ne verra pas ces ruines, ces cimetières. Il peut s'en douter.
Je rends mon manuscrit fin mai. J'ai encore pas mal de travail. Je suis en train de relire, et il n'y a pas une page où je ne corrige, supprime, remplace. Et puis, il y a cette satanée fin que j'ai en tête et que je dois écrire. C'est une période excitante. Parce que terminer un roman, c'est un soulagement, un bonheur, il sera là, il va être imprimé et lu, il va exister. Surtout il y a le prochain livre qui se profile déjà. J'ai hâte de m'y mettre.


Martin Page

mardi 12 mai 2009

elegant soul


Tous les matins devraient commencer par Elegant Soul de Gene Harris. Et par un thé vert, un bi luo chun par exemple, à la saveur forte et étrange. J'aimerais, pour mon prochain roman, une couverture aussi belle que cette pochette.


Martin Page

lundi 11 mai 2009

un ordre en majuscules

Je viens de recevoir un ordre d'une amie écrit en majuscules : VA DORMIR. C'est un bon conseil.
(je note pour plus tard : il y a plein de centres culturels étrangers à Paris (coréen, finlandais, mexicain, roumain...), j'ai bien envie de les explorer).
Je tiens ce carnet de notes pour parler travail. Depuis quelques années j'ai un style de vie qui observé par des extra-terrestres ne leur donnerait pas envie de venir sur Terre. Je me couche tôt (vers minuit, mais j'aimerais me coucher plus tôt encore), je me lève tôt. Je mange équilibré (oublions ce pot de purée de cacahouètes), je fais du sport (un peu), de la musique (depuis une semaine), je sors rarement, je ne bois pas d'alcool. Et ce style de vie n'est pas un effort, mais un plaisir. La mythologie de l'artiste autodestructeur a toujours ses adeptes (j'ai eu ma période). Certains (les idiots) sont déçus que l'on y adhère pas, à tel point que je soupçonne un voyeurisme sadique de leur part. Mais passons. C'est une telle tempête dans mon cerveau que j'ai besoin d'une vie tranquille et réglée. La stabilité de mon quotidien (la routine, je ne comprends pas pourquoi tant de gens ont peur de ce mot) permet de compenser la stabilité dont je manque. Il y a trop de courants de dépression, de chaos, d'idées qui naissent sans cesse, d'angoisse en moi. La tranquillité et un certain conformisme me sont nécessaires. Disons à conserver une relative homéostasie. Jean-Pierre Melville a dit de belles choses sur ça : l'importance de sa femme et de son chat, de sa vie familiale calme pour atténuer son intranquillité. Il a trouvé un équilibre. On peut lire cela dans le livre d'entretiens publié dans la petite collection des Cahiers du Cinéma.


Martin Page

ghost busters

Je m'aperçois que, pour l'instant, je n'arrive pas à tenir le coup en dormant moins de sept heures par nuit. Cela m'embête un peu parce que j'ai plein de projets (ça me rappelle Multiplicity, le dernier grand film de Harold Ramis, avec le génial Michael Douglas). Je crois que l'armée américaine a développé un médicament permettant de moins dormir, mais j'ai peur de faire des maladresses avec un M-16. En ce moment, j'aimerais bien écrire un scénario comme celui de Ghost Busters ou des Goonies (J. m'a reparlé de ces films dernièrement, et hop quinze en arrière, c'était chouette).
Je me rends compte que ma manière de penser est adaptée à mon travail, mais que ce n'est pas évident d'être dans un rapport simple avec la réalité et les gens. Quand je parle à quelqu'un je me sens comme face à un nouveau robot mixer dont le mode d'emploi serait en japonais. Je suis un peu perdu au début.
J'aurais envie de quitter Paris aussi, quelques jours, pour souffler, et pour avoir le délicieux plaisir de retrouver ma ville.
Mon atelier est à Saint-Michel, à peu près en face (diagonalement) du quai des Orfèvres, et du Palais de Justice. Très souvent dans la journée des voitures de police, des camions de crs, des tas de véhicules officiels passent toutes sirènes hurlantes.


Martin Page

"prouvez-moi qu'il n'y a pas de rhinocéros dans cette pièce"

J'ai un projet de livre dessiné sur Wittgenstein. Il me manque un dessinateur (et j'imagine un éditeur un peu fou). Quand j'ai lu sa biographie j'avais tout le temps des images qui me venaient à l'esprit. Il a eu une vie très romanesque, d'action et de réflexion (et pour une fois, d'action menée par sa réflexion philosphique). Bien sûr je suis loin de comprendre sa philosophie (j'ai déjà du mal à ne pas pousser une porte quand il y a écrit "tirez" dessus), mais la surface qui m'est accessible est très stimulante. Je me sens intuitivement en sympathie. Je me souviens de Gilles Deleuze dans son Abécédaire quand arrive la lettre Z, Claire Parnet qui mène l'entretien lui demande ce qu'il pense de Wittgesntein. Deleuze est épouvanté, et en même temps amusé de son épouvante. Il dit :
« Non, je ne veux pas parler de ça. Pour moi, c'est une catastrophe philosophique(...). C'est très triste (...). Ils ont foutu un système de terreur (rires), où sous prétexte de faire quelque chose de nouveau, c'est la pauvreté instaurée en grandeur. Il n'y a pas de mot pour décrire ce danger-là. C'est un danger qui revient, ce n'est pas la première fois (...). C'est grave, surtout qu'ils sont méchants, les wittgensteiniens. Et puis ils cassent tout. S'ils l'emportent, alors là il y aura un assassinat de la philosophie. C'est des assassins de la philosophie. Il faut une grande vigilance... (rires) »
Dans la biographie de Wittgenstein, il y a un passage qui m'avait frappé et enchanté : Ludwig poursuivant Bertrand Russel dans tout son appartement de Cambridge en lui criant " Prouvez-moi qu'il n'y a pas de rhinocéros dans cette pièce !" Et Russell soulevant les coussins, ouvrant les placards pour montrer l'absence de rhinocéros dans la pièce. Mais cela ne suffisait pas à Wittgenstein.
Oui un livre promet de belles scènes (j'ai vu le film de Derek Jarman sur Wittgenstein, je n'ai pas aimé, pas trop, je voudrais faire le contraire de ça). Il y aurait des cerfs-volants.


Martin Page

samedi 9 mai 2009

prairie oyster

Quand je buvais encore, j'étais beaucoup plus cool. Je commandais des prairie oysters (le cocktail magique contre la gueule de bois) partout où j'allais. En interview je disais même que c'était ma boisson préférée (en fait c'est un truc horrible). Bon, tout ça n'est pas vrai, mais j'avais imaginé un personnage qui devenait alcoolique à cause de sa consommation excessive de prairie oyster. Cela aurait été sacrément ironique. Je ne me souviens pas de l'époque où j'avais encore des gueules de bois. Avec l'entraînement, ça passe vite et on tient très bien l'alcool. Aujourd'hui j'ai arrêté de boire, je me lève de plus en plus tôt le matin (ouais je sais c'est caractéristique des personnages âgées), j'ai perdu les quelques fragments de coolitude que j'avais et je trouve ça parfait. Il est certain que je vais finir comme dans la Horde Sauvage sauf que moi, ma famille et mes amis nous n'aurons pas d'armes et nous ne nous battrons contre personne mais nous serons tranquillement installés dans des fauteuils sous une véranda d'une grande maison à la campagne pour boire un verre en discutant.
Quand on est cool on perd un temps fou à faire des choses cools avec d'autres gens cools (ou des aspirants cools admiratifs), alors qu'on pourrait travailler ou regarder la fuite d'eau du ballon d'eau chaude. Etre cool c'est prendre le risque considérable d'être populaire et d'être invité à des soirées, des fêtes, des dîners. C'est la mort. L'enfer. Ne pas être cool me préserve d'avoir une vie sociale (qui se passe plus par emails que dans la vie physique). Rapidement quand je suis invité quelque part je me rends compte que je ne suis pas à ma place. C'est encore mieux : les gens qui m'invitent se rendent compte que je suis une sorte d'anomalie perturbatrice de l'ambiance cool de leur soirée. Pour la sauvegarde générale, après un geste entendu et un haussement d'épaule désolé, nous décidons qu'il est préférable que je quitte les lieux. Il y a toujours un bon film à voir, un bon livre à lire, un ami à appeler ou chez qui passer tard le soir pour ne rien dire de spécial mais avec qui être bien en buvant un lait chaud au miel.
J'ai 2000 miles, cette chanson des Pretenders, en tête je ne sais pas pourquoi. Les Prentenders ont repris deux chansons des Kinks, Stop you sobbing et I go to sleep.
Ma prof de flügelhorn est patiente (je lui ai conseillé de se faire prescrire des tranquilisants parce que je suis résistant à tout apprentissage). Mon do est bien, mon sol ne tient pas longtemps, le fa est bien aussi. J'arrive presque à jouer trois notes liées. Dans une quinzaine d'années je pourrais jouer Summertime ou bien Preciso me encontrar de Cartola. Il y a des choses qui ne vont pas dans le solfège. J'ai bien envie de réformer tout ça, pour le rendre plus logique et plus clair. Par exemple, les notes qui ont des noms dérivés, c'est une très mauvaise idée. Fa dièse, mi bémol... comment s'y retrouver ? Donnons un vrai nom à ce pauvre mi bémol (je propose "floc"), à fa dièse ("boum"), et ainsi de suite.
Bonne journée de travail. Ma paupière gauche papillonne, signe de fatigue. Ce soir je vais voir Le sens de la vie pour 9,99$, d'après des nouvelles d'Etgar Keret.
Dans la chanson des Pretenders, il y a cette phrase : It felt like christmas time. C'est peut-être pour ça.


Martin Page

fous, artistes et voleurs

Je lis Chez les fous d'Albert Londres. C'est un livre-reportage écrit en 1925. Albert Londres décide d'enquêter sur la manière dont la société française s'occupe des fous. C'est un livre très rock, le journalisme gonzo n'a rien inventé, tout est déjà là. Londres n'hésite pas à entrer dans les hôpitaux, il essaye de se faire passer pour fou (on pense à Shock Corridor avant l'heure, à Günter Walraff), il interpelle les médecins, plus tard il recevra un fou chez lui pour discuter. Il ne joue pas sur la sensiblerie. Il ne cherche pas à tirer les larmes et à faire émouvant. Il n'en rajoute pas. Je ne suis pas sûr de terminer ce livre, c'est dur, vraiment dur, et ça me rappelle trop de choses. Un regret : il a manqué à ce livre la lecture d'un éditeur. Il y a trop de points d'exclamation (je suis allergique aux points d'exclamation ! sans parler des points de suspension... c'est inutile et vulgaire).
Editeur est un métier (devrait être, en fait : beaucoup d'éditeurs ne font aucun travail d'édition, et se contentent de publier). Il a le même rôle que le producteur pour les groupes de rock pendant l'enregistrement d'un album (ou au cinéma, mais là il faudrait ajouter le monteur, le directeur de la photographie...). Il a la distance qu'un artiste a perdu à force d'être concentré dans la réalisation de son œuvre. Il y a quelques semaines une connaissance m'a demandé si mon éditrice me forçait à faire des corrections. La remarque est symptomatique : considérer un éditeur comme un genre de maître d'école autoritaire. C'est étrange de considérer un écrivain comme un enfant, mauvais élève potentiel. Que des écrivains, ou des aspirants écrivains, imaginent une relation hiérarchique entre l'éditeur et l'écrivain (ou l'acceptent, après tout des éditeurs jouent très bien les petits chefs) est inquiétant. Non, l'éditeur n'impose rien (il y a mille contre-exemples à ce que je dis : Selznick et Zanuck par exemple ; le meilleur film sur le sujet - la complexité des rapports entre créateur et producteur- est The Bad & the Beautiful de Minnelli ; voir aussi les relations entre le flegmatique et inflexible Hawks et ses producteurs). Il est au service du disque, du roman, du film, de la vision de l'artiste. Cela peut vouloir dire contredire l'artiste (ce que celui-ci pourra entendre s'il a confiance dans l'expertise de son interlocuteur, et si des affaires d'ego ne viennent pas tout gâcher -il y a un jeu très fin à jouer : à mon avis il faut être mégalomane et immensément ambitieux dans son travail tout en étant capable d'écouter un avis extérieur et de remettre en cause certains points, en quelque sorte être à la fois mégalomane et dépourvu d'égo). Après avoir lu le manuscrit, il est là pour pointer les problèmes (répétitions, illogismes, chronologie folle) qui ont échappé à l'auteur et pour lui suggérer d'aller plus loin dans certaines voies qu'il a emprunté. Bizarrement en littérature c'est quelque chose de moins connu, de moins dit qu'en musique ou qu'au cinéma (c'est vrai il n'y a pas d'Irving Thalberg de l'édition). Il y a ce mythe de l'écrivain seul et autocréateur. C'est vrai pendant la majeure partie de la création. L'éditeur apparaît à la fin. La piètre qualité de beaucoup de romans tient au fait que l'éditeur n'a pas fait son travail (pour être juste, il faut dire que certains auteurs refusent qu'on leur fasse la moindre remarque). Quelques grands producteurs : Roger Martin, Phil Spector, Daniel Lanois, et en France, le plus célèbre est sans doute Jean-Claude Vanier (lire sa page wikipedia est très instructif : il faudrait écrire une histoire de la musique centrée sur les producteurs, ça serai passionnant). L'autre est nécessaire à la bonne réalisation d'un travail artistique. Ce n'est pas toujours un producteur ou un éditeur, ça peut-être quelqu'un d'autre, un ami, des amis, une femme, un mari. Toute création se fait dans la solitude et à la fin dans la rupture de cette solitude.
Hier soir j'ai commencé mon nouveau cours de yoga. Cela s'appelle du Yoga Nidra et c'est trop cool : on garde pull et écharpe, on se couvre d'une couverture et on reste allongé pendant une heure. La prof nous demande d'imaginer le chemin de l'air dans différentes partie de notre corps, on écoute, on imagine. Je me suis presque endormi deux fois. Rien n'est plus relaxant. Si on arrive à tenir une heure sans bouger. Hum, ah oui au fait la moyenne d'âge doit être de soixante cinq ans. Cela se confirme, je suis déjà une personne âgé (j'ai fondé le club des sexagénaires de moins de quarante ans).
Mon roman est terminé. J'ai donc encore beaucoup de travail. Mais c'est la partie que je préfère : relire, corriger, laisser reposer, supprimer, ajouter, changer de place des paragraphes. J'ai dit à mon éditrice que je lui remettais mon roman fin mai (j'ai de la chance j'ai toujours eu de bons éditeurs : Dominique Gaultier au Dilettante, Geneviève Brisac à l'Ecole des Loisirs, Anna Pavlovitch pour mon essai sur la pluie, Alix Penent d'Izarn aux éditions de l'Olivier -et il faudrait mentionner toutes les autres personnes qui lisent un manuscrit, un ami, une assistante d'édition, le correcteur). Le soir je me couche en ayant hâte que le matin arrive pour me remettre au travail. Il n'y a rien de meilleur au monde.
Studio 60 on the sunset strip est une série fabuleuse (il n'y aura qu'une seule et unique saison). On retrouve Aaron Sorkin à l'écriture et dans un des deux rôles principaux Mathew Perry. Cette série porte sur le quotidien de la production d'un show comique à la Saturday Night Live. (note : il faudrait que l'on nous explique comment voir, autrement que par des moyens illégaux, des oeuvres importantes mais non distribuées en France, et dont on ne peut pas acheter les dvd d'origine, car les lecteurs dvd français ne font pas partie de la même zone; ou encore des oeuvres coupées et censurées).
Une amie vient de trouver un emploi. Elle a passé un entretien pour ça. Sauf qu'elle ne sera pas payée. C'est ce que lui a annoncé le directeur de la boîte (la violence commence là, pas dans la rue, pas par des voitures brûlées, pas par des séquestrations de patrons). Fataliste elle se dit que ça sera toujours un truc à mettre sur son cv. Je repense à des discussions que nous avons entre amis à propos de la loi hadopi et des sanctions contre ces petits voleurs de chansons et de films sur internet. Bien sûr on ne doit pas voler. Les lois contre le vol sont nécessaires et on devrait laisser sa place dans le métro aux personnes âgées. Mais c'est un peu court. La seule position tenable pour des artistes favorables à la répression serait celle de ceux qui poseraient le problème dans son ensemble. Tant qu'on continuera à ne pas payer les gens, ou pas assez, à ne pas mieux redistribuer les richesses, il y aura des petits voleurs (de pain, de chocolat, de fruits et légumes, de chansons, de films, de livres). Et ces voleurs auront raison. Si on ne se bat pas pour changer ça aussi, pour une autre société, soutenir la loi hadopi est une tartuferie.


Martin Page

mardi 5 mai 2009

traduction

Hier j'ai lu la traduction de Peut-être une histoire d'amour en anglais. Ce sont les épreuves, le livre n'est pas encore imprimé. La traduction est excellente (c'est Bruce Benderson qui s'en est chargé, je suis trop content). C'est rassurant. Quelques petites choses, des coquilles, le problème de la traduction d'un nom de restaurant en anglais (je suis contre, on va donc laisser le nom français, même si en anglais c'était super : Johnny Nicotine !). J'en ai profité pour intégrer certaines corrections apportées à la version Points Seuil de mon roman (des mots et deux phrases supprimés).
La couverture est plutôt bien, dans un style New Yorker. Le titre français n'a pas été traduit littéralement. Comme je suis un romancier français j'imagine que les gens de Vicking/Penguin ont peur de faire fuir les lecteurs, alors ils ont concocté un titre explicatif (et qui fait un peu discret clin d'oeil à un film connu par les lecteurs étasuniens relativement cultivés) : The Discreet Pleasures of Rejection. Ils ne veulent pas du titre français traduit (Perhaps a love affair), rien ne sert de lutter, ils doivent trouver que je suis trop exotique : il faut donner des repères. Pourquoi pas. Au moins ce n'est pas un titre déplaisant, même si c'est une lecture particulière du livre (qui en dit plus sur la personne qui en a eu l'idée que sur le roman). Oui ce titre donne une drôle de couleur au roman. Ce n'est pas inintéressant. Mais bon je préfère mon titre.
Et puis je suis allé voir Harold & Maud avec A. (mon église harold&maudienne gagne des adeptes). Vendredi matin, nous sommes allés prendre un petit déjeuner dans un grand hôtel, nous avions besoin de belles choses. C'était merveilleux, nous étions comme des enfants. J'ai décidé de ne plus aller au restaurant, mais, à la place, de prendre des petits déjeuners (surtout dans des hôtels) avec des amis (ou pour le travail). Je n'y vois que des avantages : cela ne coupe pas la journée, en général il n'y a pas grand monde, c'est un peu bizarre et joyeux, on a l'impression de faire quelque chose de secret et de magique.


Martin Page

lundi 27 avril 2009

comic strip 3

Pour éviter tout malentendu (déjà une victime) : le comic-strip ne se trouve pas sur le blog de Clément que j'ai mis dans la colonne de liens. On y trouve uniquement les travaux personnels de Clément. Je vous le conseille. 
Notre comic-strip est très différent (un peu la fusion de nos deux univers, et de ce que nous avons en commun) et n'est encore visible nulle part. 


Martin Page

dimanche 26 avril 2009

comic strip 2


Une deuxième planche de présentation des personnages (détail : les chaussettes blanches du personnage à lunettes ont gagné de la couleur dans une nouvelle version).
L'écriture épigrammatique (aphoristique et elliptique) convient parfaitement au strip (aux histoires, aux situations). J'aime beaucoup ça, cette efficacité, cette fulgurance. C'est une manière de rester fidèle à des influences, peu en bd pour l'instant (hum j'avoue que je connais encore très mal, mais Clément est un spécialiste et il me fait découvrir des choses -ainsi que Aude, Stéphane et mon frère), mais plutôt le haïku, et les moralistes, Chamfort, Wilde, un monde qu'il serait vain de détailler (mais que l'on peut voir dans les pages de ce blog). L'influence d'un écrivain c'est d'abord lui-même, sa drôle de petite vie chaotique et tranquille, ensuite il rencontre des oeuvres qui lui sont familières, et qui lui servent à avancer, à mieux exprimer ce qu'il a en lui. Ces artistes que nous admirons, qui nous influencent, c'est un peu un moyen de reconstruire une famille (c'est ce que me disait Jakuta, elle a écrit un très beau texte sur le sujet). J'aime ces idées de généalogie, d'héritage et de transmission. Il me serait difficile de dresser l'arbre généalogique de mes influences (ça serait un arbre étrange qui irait dans tous les sens).
L'espace réduit du comic-strip permet des effets de condensation (au sens de la physique, et bien sûr de la psychanalyse) que je trouve passionnants. Le strip est un moyen pour faire passer des choses en contrebandes, des choses qui seraient trop dures, trop sèches, si elles étaient écrites. Le dessin apporte une humanité et une douceur nécessaires (mais en fait peut-être le dessin rend le cynisme et le désespoir plus terribles, justement en les incarnant, en leur donnant figure humaine ; ça se discute -rassurez-vous c'est censé être drôle aussi, enfin d'un genre d'humour qui ne fait pas rire, un humour poétique et dépressif, pas français -vous verrez).   
Je suis sorti de chez moi un peu avant huit heures ce matin et c'était merveilleux. Calme, frais et clair. Paris dormait encore. 
Je viens d'acheter les Fragments autobiographiques de Frances Yates (ainsi qu'un petit livre avec quelques uns de ses articles). Cette fille est extra. 
A quelques années d'écart on m'a conseillé Les Envoûtés de Gombrowicz. Deux jeunes femmes, deux J. . La première (Justine), j'y repense à l'instant, m'avait aussi fait découvrir (en 2007) Disneyland mon vieux pays natal d'Arnaud des Paillières (un de mes films "documentaires" préférés). Dernièrement Justine a fait un film sur le bidonville de Lisbonne (elle vit là-bas depuis deux ans) et elle en prépare un autre sur le vaudou. 
Jusqu'à présent je n'étais pas fan de Gombrowicz. Enfin, disons que je n'avais pas aimé Ferdydurke, mais j'avais aimé son Journal (c'est toujours un peu facile d'aimer le journal d'un écrivain). J'ai commencé Les envoûtés et c'est une merveille. On dirait un roman gothique à la Ann Radcliff ou à la Walpole et cie. Il était temps que je lise ce livre (et puis c'est drôle).
Jeudi, l'autre J. et moi sommes allés à l'exposition William Blake au Petit Palais. C'était super. J'avais découvert Blake à l'adolescence, dans ma lointaine banlieue. Ses poèmes n'étaient pas disponibles en français, alors je passais des heures à les traduire dans ma chambre (ainsi que Shelley, Byron, Emily Dickinson... je n'ai pas eu une adolescence très sociale). Je ne m'étais plus préoccupé de son oeuvre depuis une éternité. Il faut voir cette exposition. Voici quelques titres de ses dessins et gravures : Tête visionnaire, Divertissement matinal, Fantôme de puce ne pied, Par les songes tu me terrorises, Milton m'a aimé dans mon enfance et ma donné la main, L'homme qui a enseigné la peinture à Blake dans ses rêves. C'est chouette, hein ?
Je retourne à mon roman. Je suis en train de le terminer et pleins de choses se passent.


Martin Page

vendredi 24 avril 2009

comic strip



Voilà donc une première planche de présentation du comic-strip que je fais avec Clément (on peut cliquer sur l'image pour l'agrandir). Les trois personnages (les héros) principaux sont sur la gauche, les deux sur la droite sont des personnages secondaires.

Le comic-strip est une histoire en trois/quatre cases généralement. Cela peut être deux. De temps en temps, une "aventure" prend toute une page (les fameuses pages du dimanche). Les maîtres (disons, nos références) dans le domaine sont Schutz, Quino et Bill Watterson. 

Il n'y a pas d'histoire au long cours, un univers se crée peu à peu, au fil des semaines, des mois, des années. De nouveaux personnages arrivent et se mêlent aux anciens. On est plus proche des haïkus que de la bd classique. Aux maîtres déjà cités, il faudrait rendre hommage à Basho. 

A suivre.

Hier je me suis trouvé embarqué dans un version courte et parisienne de After Hours de Scorcese. Cela a commencé quand j'ai raté la lecture d'un ami, S., dans une librairie. Je suis retourné à mon atelier pour travailler. Une heure plus tard, cet ami m'appelle pour me proposer de le rejoindre à une expo. Je m'y rends. Je ne trouve pas l'entrée. Trois punks m'interpellent et me disent de les suivre. Leur ivresse m'a laissé pensé que je pouvais leur faire confiance. Une fois à l'intérieur de la galerie, je constate que c'est un squat. L'immeuble est entièrement squatté par des artistes. Je tombe sur un homme qui lance des couteaux contre un panneau en bois décoré (une peinture?). C'est un happening. Il y a bien une expo (d'un artiste qui travaille surtout avec du scotch, et de ses amis invités, dont l'amie de S.). Les tableaux ne sont pas posés aux murs, mais pendent à des fils, sont cloués, attachés à des poteaux ou autres morceaux de bois. Dans le désordre, cela donne : un pianiste, des moustachus, des gens habillés bizarrement, des conversations dans toutes les langues, un artiste qui a simulé le viol d'une poupée gonflable (je suis arrivé après, on m'a raconté), une bibliothèque, des combles, un étage, des ateliers de peintres sans aération, pas de sorties de secours et aucun extincteur, une vitre cassée par une voisine, du Coca tiède, un mec (il ressemblait à Nosferatu, très grand avec du maquillage autour des yeux, mais avec des cheveux) qui vient de se faire un fix et qui nous prend la tête ("avec la coke tu travailles par moments, alors que l'héroïne t'es dans la durée", "parce que tu vois, il faut respirer", "je lis surtout des livres sur les mathématiques, la sociologie, ce genre de choses", "je sais que j'ai un problème d'addiction, j'attends que quelqu'un me sauve", "moi ça fait vingt ans que je m'occupe de ce lieu, il y a 28 000 personnes qui sont venues", enfin bon je vous en passe). J'ai vu le moment où il allait sortir une tronçonneuse et jongler avec. Je suis parti. Quelques personnes très sympas, les discussions se tenaient dans les différents ateliers (l'expo était dans les deux grandes pièces du rez-de-chaussée). C'était vraiment très étrange.

La saison s'y prête, je me mets aux thés verts (chinois). Il y en a de très bons à la Maison des Trois Thés (et également chez Thés de Chine -j'ai renoncé à me fournir ailleurs, ah si quand même Teamasters via internet), et ils sont abordables (aux alentours de 11 euros) : Bi Yun Tian, Gui Lin Yu Luo, Xian Xia Lan Cui. J'ai pris aussi un thé rouge (ce que l'on appelle thé noir usuellement), Dian Hong Mao Feng (pour 10 euros, une merveille ; je ne suis pas fan des thés rouge mais de temps en temps c'est agréable). J'ai acheté deux oolongs pour la consommation courante (peu chers donc, 16 et 14 euros) : le Shui Xian 1 (le genre de thé que l'on apprécie si l'on aime les vieux alcools, son goût fort le rend très accessible) et le Mi Lan Xiang 1 (un dan cong, aux notes d'agrumes).



Martin Page

mardi 21 avril 2009

bougies

Ces quatorze derniers jours j'ai passé l'essentiel de mon temps à regarder Harold & Maude au Champo (la rue Champollion est décidément la plus belle rue du monde). J'ai converti un certain nombre de personnes (je n'avais pas encore créé de religion, voilà qui est fait).
J'ai terminé de corriger les épreuves de l'édition poche de Peut-être une histoire d'amour. Quelques phrases supprimées, des mots changés. En tout, une vingtaine de petites corrections.
Cela faisait deux ans que je n'avais pas organisé de soirée. Il y a eu deux bonnes nouvelles dernièrement. Alors je me suis dit, allez. Je n'ai aucun sens de la mesure. J'ai donc acheté près de trois kilos de charcuterie espagnole, des anchois, des poivrons en bocal (pimento piquillo ali). Pour équilibrer tout ça, du fromage m'a semblé une bonne idée. Il y a eu quelques difficultés d'organisation. Tout le monde (en fait pas grand monde, je n'aime que les soirées assez désertes) n'était pas libre mercredi. J'ai donc étendu ma fête à samedi. C'était une fête en deux parties, comme Golem de Casken, comme les doubles-programmes dans les vieux cinéma (au Brady par exemple) (mes soirées sont toujours bizarres : il y a deux ans, j'avais convié mes invités à cinq heures du matin -non ce n'était pas une after, il fallait avoir dormi avant- pour voir le soleil se lever). J'ai allumé des bougies partout dans l'atelier (le courant avait été coupé en début de semaine, erreur d'EDF, tout est rentré en ordre lundi). Un fil (trois rallonges) courait sur le sol jusque dans le couloir pour alimenter la machine à musique (Cartola, Vinicius de Moraes, les Kinks, Pulp, Belle & Sebastian). C'était doux.
A un moment, Maude (dans Harold & Maude) dit "Tout le monde devrait jouer d'un instrument de musique". Je suis un spectateur obéissant, je me suis donc acheté le flügelhorn (genre de trompette au son plus chaud et rond) dont je rêvais. J'ai eu peur d'entrer dans le magasin de musique boulevard de Sébastopol. J'ai passé du temps devant la vitrine, à passer et repasser devant l'entrée. C'était immense, les instruments brillaient comme des trésors. Finalement ça s'est bien passé.
Parmi mes quelques projets en cours, un bouleverse mes habitudes : je fais une bande dessinée, je veux dire, j'écris l'histoire et je dessine. Je dessine très mal (pire que ça). Mais d'ici quinze ans ça devrait ressembler à quelque chose. Cela ne me gêne de mal dessiner, j'aimerais juste que mon héros mal dessiné se ressemble d'une case à l'autre. Mon dessin est psychotique.
Le comic-strip avec Clément avance bien. Je poste deux planches de présentation des personnages demain.
Pendant tout un temps j'ai eu l'impression que beaucoup de films se servaient d'une certaine chanson de Nina Simone (ça allait de Les Fils de l'Homme à Actrices de Valeria Bruni-Tedeschi). C'était étrange. Je ne sais plus de quelle chanson il s'agissait. En ce moment j'écoute surtout Cherish (album Silk & Soul, 1967).


Martin Page

dimanche 12 avril 2009

magie

Quand j'étais enfant je voulais devenir magicien. Faire apparaître et disparaitre des choses, étonner, intriguer, émerveiller. D'une certaine manière c'est ce que je cherche à faire en écrivant. Ces temps-ci je suis en train de faire disparaître Paris. Le roman est bientôt fini. Le costume qui convient le mieux (mieux que celui de prêtre) à un écrivain est celui de magicien, enfin je trouve, tout est là. J'y pense, car avec un ami on discutait de ce fait étrange : l'importance de la disparition dans nos romans (et ceux de nos ami(e)s, V. et J. par exemple). Et dans nos vies, bien sûr. Il y a quelque chose qui m'émeut profondément dans la magie, ce jeu sur la disparition/réapparition. Le magicien affronte l'idée de la mort, il en tire de la beauté, il invente une forme, c'est de cela que nous parle un spectacle de magie.
Ces "trucs" de magicien comme on dit, les romanciers les utilisent. Il y a une proximité entre le roman et la magie, que je ne m'explique pas bien encore, juste l'intuition que ce n'est pas très différent, que c'est la même famille (similitudes dans le rapport au public aussi). Le contraire de la religion.
Mallarmé est bien trop compliqué pour moi, mais sur ce sujet, voilà un article qui me plaît beaucoup.
On ne parle pas souvent de technique en littérature. Dans le processus de création d'un roman, il me semble qu'il y a un directeur de la photographie, un monteur, un producteur, un cadreur, un ingénieur du son...
En allant à la fête vendredi soir, je suis passé par la petite rue Robert Houdin (le grand magicien français). On pénètre dans une petite cité hlm. Des jeunes jouaient au foot au milieu de la rue. D'un coup je me suis retrouvé dans la cité où mon frère et moi avons habité avec notre père à Viry-Châtillon pendant un temps. Le passé est tombé comme une pluie tropicale. En quittant la fête, je suis passé par la rue du Faubourg du Temple. Au niveau de la rue Robert Houdin, et ce sur une centaine de mètres, il n'y a pas de lampadaires (ou bien les lumières étaient cassées). C'était une parenthèse bienvenue dans ce quartier animé. Une cachette. Dans les bizarres ténèbres de la rue, tout était calme et différent.
Dans La Cerisaie, il y avait les tours de magie de Charolotta Ivanovna (Irina Dalle). C'était merveilleux.


Martin Page

oubli

Je me suis aperçu hier soir, alors que j'assistais à une représentation de La Cerisaie au Théâtre de la Colline (cela faisait longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à voir une pièce) que j'avais oublié de citer ma grand-mère paternelle dans les morts de ma famille. Ce n'est pas étonnant.
L'immeuble est calme, je vais me préparer un thé et me mettre au travail. Je ne sais pas pourquoi (le théâtre sans doute), j'ai envie de revoir My Dinner with André, de Louis Malle. 
Avraham Burg, dans Vaincre Hitler, parle du récit de Marek Edelman, Mémoire du Ghetto de Varsovie, et du texte que Hannah Krall lui a consacré, Prendre le bon dieu de vitesse. J'ai une vieille édition chez Liana Lévi (plus disponible je crois, les textes existent séparément) qui comprend les deux ouvrages (ainsi qu'une préface de Vidal-Naquet). Il faut les lire. 


Martin Page

samedi 11 avril 2009

dépendance

Je suis quelqu'un de dépendant. J'ai du mal à être raisonnable dès qu'une chose me plaît. Ce n'est pas bien grave la plupart du temps (quand il s'agit du thé, de la psychanalyse, du travail, de telle chanson de Belle & Sebastian). Cela m'énerve un peu quand l'addiction m'empêche de travailler. Internet est une sorte de drogue. Je reçois quantité d'emails chaque jour et mon ordinateur me le signale en faisant un drôle de son (blang!). Je réponds, ça interrompt mon travail. Et puis il y a tellement de choses intéressantes. C'est comme être dans une grande bibliothèque. J'ai parlé plusieurs fois de ça avec Steve Toltz qui a le même problème. Il est passé à l'atelier aujourd'hui et il m'a annoncé avoir trouver la solution : Freedom, un logiciel gratuit (un shareware en fait) qui permet de déterminer le temps que l'on désire passer sans connexion à internet. Pour supprimer la protection, il suffit de redémarrer l'ordinateur, c'est simple, mais cette modeste barrière est suffisante pour s'empêcher de craquer et de se précipiter pour regarder un truc sur youtube, lire tel blog ou consulter la fiche Wikipedia de ce papillon qui s'est collé à la vitre de l'atelier. Ce logiciel va changer ma vie. Petite page d'explication ici.
Steve m'a montré les livres qu'il est en train de lire. Entre autres (en anglais) La Psychanalyse du Feu de Bachelard, avec une préface de Northop Frye ! La classe. Voilà une préface qu'il me faut. Il m'a parlé de Ronald Laing (je ne connais pas) et de Ciment, de Thomas Bernard (jamais lu cet auteur). C'est chouette de découvrir de nouvelles choses. Je sens que ma montagne de livres va encore grandir.
Ce matin j'ai lu Vaincre Hitler, d'Avrahum Berg, p.104, suite à des considérations sur le livre de Fanon, Peau Noire, Masques Blancs, il écrit "Nous vivons une civilisation de mots lavés (...). (...) ils ont écrit mais en usant de formules qui permettaient d'ignorer le véritable sens des mots. Oui, ils ont écrit, mais de sorte que l'on ne sache pas ce que l'on ne préférait ne pas avoir".
Aujourd'hui, mon frère et moi avons appris la mort d'une de nos grand-tantes, Tante Marcelle (alias soeur Saint-Yves - eh ouais famille de catholiques bretons). Jusqu'à l'année dernière personne n'était jamais mort dans ma famille. En un an, mon père et deux grand-tantes sont mortes (ajout dimanche : j'avais oublié -signe que cette partie de la famille existe peu pour moi- ma grand-mère paternelle est morte aussi, il y a quatre mois).


Martin Page

Ponyo

Je n'avais pas aimé Le Château Ambulant. Les premiers échos à propos du dernier Miazaki sont bons. Chouette.
Fête hier soir. Pour moi c'est un peu comme aller chez le dentiste. La fête était réussie (j'ai offert Greetings from Ashbury Park de Springsteen à E.), la nourriture délicieuse (A. et E. sont tous deux des cuisiniers accomplis), la compagnie parfaite, vraiment super soirée (bon il y avait un problème avec la musique : j'ai eu l'impression qu'un train déraillait pendant deux heures -l'accident a fait une pause le temps d'une chanson de Nancy Sinatra, ouf). Il est nécessaire d'aller chez le dentiste, et je crois qu'il est (parfois) nécessaire de sortir (prudemment) de sa tanière même si c'est (très souvent) effrayant. Je ne serai jamais à l'aise dans une pièce où il y a plus de sept (ou cinq) personnes, c'est ainsi. J'ai davantage discuté avec les bâtonnets de carotte qu'avec quiconque. C'était vraiment intéressant. J'ai parlé d'Harold & Maude (apparemment je n'ai qu'un seul sujet de conversation ces temps-ci). R. adore aussi ce film. On était d'accord sur Bienvenue Mister Chance (Ahsby). Je crois que je ne connais pas d'autres films de ce metteur en scène. Sur Wikipedia, il y a ça sur sa fin de carrière : 
"Attempting to turn a corner in his declining career, Ashby ceased to use drugs, trimmed his hair and beard, and began to frequent Hollywood parties wearing a navy blue blazer so as to suggest that he was once again "respectable"."
Cela me fait penser à un personnage de Wes Anderson (d'ailleurs Harold & Maude ressemble à un film de Wes Anderson). Je vois très bien Bill Muray jouer cette belle triste scène.
J'ai lu plusieurs bons romans français contemporains ces temps-ci. Et je m'aperçois que je connais peu la littérature étrangère d'aujourd'hui. J'ai relu un peu du Journal de Mireille Havet. Je crois que je lis une quarantaine de livres en ce moment, des romans, des essais, je m'enthousiasme pour tout un tas de choses. Résultat, je ne connais rien à fond, ma culture est superficielle. J'en ai pris mon parti. Je ne me vois pas vivre autrement. Les gens qui connaissent des choses, les spécialistes, m'impressionnent toujours un peu (encore plus ceux qui sont spécialistes et qui ont une grande culture). Je n'ai pas d'obsession pour un sujet particulier (mon travail est hors catégorie). 
Je retourne à mon roman (pas assez travaillé cette semaine, je m'y remets sérieusement). For You (Springsteen) et AliShan (Thés de Chine). 


Martin Page