C'est étonnant que les choses prennent forment. Il suffit d'un peu d'agitation coordonnée, de la persévérance, et les choses se forment, elles ont des frontières, une logique interne. On a une idée, parfois à peine un soupçon pour commencer un roman. Et puis une immense terreur de ne pas savoir comment faire. Voilà le matériel. Du désir et de la terreur.
Derrière moi, le mur est couvert de feuilles remplies de notes de mon écriture alambiquée et indéchiffrable. Des livres à lire, des rendez-vous à prendre, des idées, un disque à écouter absolument. Ma table de travail est pleine de noms, de mots, de traits. Ma main gauche, le creux et le dessus, aussi. Je pense à ça. Je pense à ma tendance à écrire des choses partout, de mettre des mots là où il y a du vide, de marquer les murs, ma table, ma peau. Je ne sais pas le sens de tout cela. Ne pas faire de différence (pas tout le temps dieu merci) entre une feuille de papier et ma main. Et puis, c'est drôle, je me rends compte, ma main est un bloc-note qui n'est pas vierge. Je porte sur moi toutes les petites marques, les incisions, les écritures de mes trente-trois années. Alors est-ce qu'il y a une volonté de réécrire tout ça, d'effacer par mon écriture cette autre écriture (subie : on appelle cela l'expérience) ? Ou d'écrire avec tous ces mots qui sont déjà sur ma peau, comme si je piochais dans une palette ? Les deux sans doute. Je ne sais pas. Et ça me va bien comme ça.
Mon roman a bien avancé. Hier j'ai goûté un Zheng Shan Xiao Zhong 1 (thé fumé incroyablement complexe) et le pu er vrac n° 16 1983 (de la Maison des Trois Thés). Aujourd'hui, galette Yong De Mang Fei Mountain 2006. J'ai écouté Nico, Bowie et les Kinks.
Les gens sont étranges. Une collègue m'a dit très pâle, une autre (Sarah, jeune photographe en stage chez Myop) a trouvé que j'avais les joues bien rouges.
Nessim devait passer avec une crêpe au Nutella, mais, malheur, il a été détourné.
J'ai appris par Anne de chez Arléa qu'il n'y aurait pas d'illustrations dans le Wilde qui sort en mars. Cela coûterait trop cher. Bien sûr on pourrait revendre Natixis pour se faire un peu d'argent et financer les projets qui me tiennent à cœur. Mais non, cela n'est pas possible (je viens de recevoir un fax des actionnaires). C'est ainsi. Il y a deux fuites chez moi et depuis que j'ai presque cassé un ascenseur avec un cintre en voulant déboucher un évier (c'est une longue histoire ; un peu dans le genre La Maison démontable de Buster Keaton -One Week-, 1920), je m'abstiens de bricoler. Donc je coupe l'arrivée d'eau la nuit et le soir en partant. Si seulement existaient des gens dont le métier consistait à s'occuper des problèmes de plomberie... Le monde est mal fait.
Demain je vais essayer de faire de belles choses ; parce que ça fait du bien, et c'est nécessaire les belles choses, petites, chétives, qu'il faudra protéger, toutes déboussolées, mais belles, oui.
Derrière moi, le mur est couvert de feuilles remplies de notes de mon écriture alambiquée et indéchiffrable. Des livres à lire, des rendez-vous à prendre, des idées, un disque à écouter absolument. Ma table de travail est pleine de noms, de mots, de traits. Ma main gauche, le creux et le dessus, aussi. Je pense à ça. Je pense à ma tendance à écrire des choses partout, de mettre des mots là où il y a du vide, de marquer les murs, ma table, ma peau. Je ne sais pas le sens de tout cela. Ne pas faire de différence (pas tout le temps dieu merci) entre une feuille de papier et ma main. Et puis, c'est drôle, je me rends compte, ma main est un bloc-note qui n'est pas vierge. Je porte sur moi toutes les petites marques, les incisions, les écritures de mes trente-trois années. Alors est-ce qu'il y a une volonté de réécrire tout ça, d'effacer par mon écriture cette autre écriture (subie : on appelle cela l'expérience) ? Ou d'écrire avec tous ces mots qui sont déjà sur ma peau, comme si je piochais dans une palette ? Les deux sans doute. Je ne sais pas. Et ça me va bien comme ça.
Mon roman a bien avancé. Hier j'ai goûté un Zheng Shan Xiao Zhong 1 (thé fumé incroyablement complexe) et le pu er vrac n° 16 1983 (de la Maison des Trois Thés). Aujourd'hui, galette Yong De Mang Fei Mountain 2006. J'ai écouté Nico, Bowie et les Kinks.
Les gens sont étranges. Une collègue m'a dit très pâle, une autre (Sarah, jeune photographe en stage chez Myop) a trouvé que j'avais les joues bien rouges.
Nessim devait passer avec une crêpe au Nutella, mais, malheur, il a été détourné.
J'ai appris par Anne de chez Arléa qu'il n'y aurait pas d'illustrations dans le Wilde qui sort en mars. Cela coûterait trop cher. Bien sûr on pourrait revendre Natixis pour se faire un peu d'argent et financer les projets qui me tiennent à cœur. Mais non, cela n'est pas possible (je viens de recevoir un fax des actionnaires). C'est ainsi. Il y a deux fuites chez moi et depuis que j'ai presque cassé un ascenseur avec un cintre en voulant déboucher un évier (c'est une longue histoire ; un peu dans le genre La Maison démontable de Buster Keaton -One Week-, 1920), je m'abstiens de bricoler. Donc je coupe l'arrivée d'eau la nuit et le soir en partant. Si seulement existaient des gens dont le métier consistait à s'occuper des problèmes de plomberie... Le monde est mal fait.
Demain je vais essayer de faire de belles choses ; parce que ça fait du bien, et c'est nécessaire les belles choses, petites, chétives, qu'il faudra protéger, toutes déboussolées, mais belles, oui.
Martin Page